Premier article du reportage “Les 5 mythes les plus répandus sur l’immigration au Québec et comment les déconstruire” de Michèle Vatz Laaroussi. Découvrir Michèle Vatz Laaroussi.
On parle souvent de déconstruire des mythes, mais de quoi s’agit-il?
Pour commencer, qu’est-ce qu’un mythe? Un mythe, c’est une histoire imaginaire, fictive, qui est présentée comme réelle et qui met en scène des personnages légendaires incarnant le bien et le mal.
Alors, déconstruire les mythes sur l’immigration, c’est sortir des discours imaginaires, des préjugés, des idées fausses qui présentent les personnes immigrantes comme des méchants, assaillant et menaçant notre société québécoise.
Ces discours sont présents dans tous les médias, qu’ils soient sociaux ou publics, dans les discours politiques, mais aussi dans nos conversations quotidiennes avec nos voisins, avec nos collègues, dans nos milieux de travail et de loisir. Ils peuvent amener à des discriminations et sont des entraves à la bonne intégration des personnes immigrantes.
Dans cet article, nous abordons les mythes liés à l’emploi et à la langue, deux domaines essentiels pour l’intégration. Pour sortir de ces mythes, mettons de nouvelles lunettes qui nous donnent une perspective éclairée, basée non plus sur des histoires qu’on se raconte, mais sur des faits et des réalités.
Très répandu partout dans les pays riches, ce mythe a la vie dure. Si on l’entend lors des situations de crise économique, il circule aussi lorsque tout va bien et que personne ne se plaint vraiment d’un manque d’emploi ou de revenus! Et pourtant, de tous temps, les immigrants ont été fort utiles dans les sociétés occidentales et ont aidé au développement démographique et économique de nos pays.
La proportion des personnes aînées est en croissance constante au Québec. Les plus de 65 ans représentaient 20 % de l’ensemble de la population en 2021 et devraient passer à 26 % en 2041. On a de plus en plus besoin d’immigrants jeunes et en bonne santé qui vont venir en famille, travailler, contribuer au développement de la société, et participer par leurs impôts à payer nos services publics et nos retraites.
Toutes les entreprises et institutions réclament plus de main-d’œuvre dès maintenant et pour les années à venir. La rareté de travailleurs au Québec se retrouve dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la construction, de l’informatique, de l’hôtellerie et de la restauration. En 2023, 27,3 % des travailleurs de la fabrication étaient âgés de 55 ans et plus. Il s’agit parfois de métiers très spécialisés et qualifiés et d’autres fois de métiers moins qualifiés et moins payés. En octobre 2024, près de 13 000 postes sont encore vacants dans le secteur manufacturier au Québec, et cela, malgré la présence de 12 000 travailleurs étrangers temporaires.
Les personnes immigrantes qui occupent ces emplois, de manière temporaire ou permanente, ne prennent en aucun cas la place des Québécois. Ces derniers ne sont pas assez nombreux en âge de travailler, et parfois ne veulent pas de ces emplois moins rémunérés, ou encore ne souhaitent pas aller dans les régions non métropolitaines où ces postes peuvent être affichés.
Le taux de chômage des immigrants permanents, ceux qui vivent au Québec avec leur famille, est encore de 7, 5% en décembre 2023 comparativement à près de 4% pour les Québécois non immigrants. Ce taux de chômage, toujours plus élevé chez les personnes immigrantes, s’explique par la non-reconnaissance de leurs diplômes obtenus à l’étranger et par la nécessité d’une expérience professionnelle québécoise, ce qui les oblige à retourner aux études au Québec et à occuper des emplois ne correspondant pas à leurs qualifications. Le taux de « déqualification » des immigrants s’élève à 44,2 %.
Non seulement les immigrants ne volent pas le travail des Québécois, mais plus encore, souvent à l’encontre de leurs propres attentes professionnelles, ils acceptent des tâches que ces derniers délaissent parce que trop mal payées ou peu valorisées.
Les personnes immigrantes sont alors les premières touchées, les premières à perdre leur emploi ou encore à devoir occuper plusieurs emplois pour survivre.
En cas de crise, les travailleurs immigrants sont ceux qui contribuent le plus au redémarrage économique de leur société, que ce soit par la création de petites entreprises, l’occupation d’emplois mal payés mais indispensables, ou encore grâce à leurs familles qui participent au développement social des communautés locales.
La langue est souvent présentée comme le principal obstacle à l’entrée en emploi de personnes immigrantes ou encore à leur insertion, et on met cette difficulté sur le compte de leur manque de volonté, de leur paresse ou encore de leur préférence pour l’anglais. Et pourtant…
80% des immigrants du Québec peuvent soutenir une conversation et donc travailler en français.
Les données de Statistique Canada démontrent que depuis plus de cinq ans, les mesures d’apprentissage du français mises en œuvre par les employeurs des personnes immigrantes ont représenté un gage de succès pour leur intégration en emploi et leur intégration sociale.
Les listes d’attente pour les cours de français ne cessent de s’allonger ainsi que les délais avant de commencer les cours, qui sont passés de 45 jours en moyenne à plus de 80 jours en 2024. Plusieurs immigrants doivent attendre plus de six mois pour démarrer leur apprentissage du français.
Certains doivent parcourir de longues distances pour s’inscrire aux cours qui leur sont désignés par Francisation Québec. Les allocations pour suivre des cours à temps partiel sont supprimées en septembre 2024.
Le financement des programmes de francisation en milieu scolaire est largement insuffisant en 2024. De nombreuses classes ferment à l’automne 2024. Ces coupures sont décriées par tous les organismes qui travaillent avec les immigrants.
Malgré tout cela, les personnes immigrantes veulent continuer et suivre ces cours à temps plein ou partiel en plus de leur semaine de travail et de la prise en charge de leur famille.
On ne peut donc d’aucune manière accuser les immigrants de ne pas faire d’effort pour apprendre le français. N’oublions pas qu’en venant ici, souvent pour l’avenir de leur famille et de leurs enfants qui, selon la loi 101, vont à l’école en français, ils ont l’espoir et la volonté de s’intégrer pleinement à la société québécoise.
Le travail et la langue représentent sans conteste deux piliers de l’intégration des personnes immigrantes au Québec. C’est pourquoi il est essentiel d’en avoir une vision éclairée. Dans notre prochain texte, nous nous attaquerons à trois autres mythes qui, par leur circulation récurrente, faussent la lecture de la situation réelle.
Michèle Vatz-Laaroussi, docteure en psychologie interculturelle, est professeure émérite associée à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke, où elle a enseigné pendant 25 ans. Elle figure aussi au nombre des chercheurs partenaires du SoDRUS (Centre de recherche Société, Droit et Religions de l’Université de Sherbrooke) et est membre de l’Observatoire des Profilages. Elle est reconnue pour son engagement envers les enjeux d’immigration et d’inclusion sociale.
Les travaux de Madame Vatz-Laaroussi ont fait avancer les connaissances sur la médiation interculturelle, domaine auquel elle a contribué en développant des approches novatrices pour favoriser l’intégration des populations immigrantes dans les communautés locales.
En reconnaissance de l’impact international de ses recherches sur l’immigration dans les régions du Québec, elle a reçu le prix Hector Fabre en 2017, décerné par le ministère des Relations internationales et de la francophonie du Québec.
Ses projets de recherche-action et ses démarches participatives l’ont également menée à collaborer avec des comités citoyens et des organismes communautaires, travaillant de manière collaborative pour répondre aux défis sociaux et culturels liés à l’immigration.
Depuis 2020, Madame Vatz-Laaroussi a également participé à des études sur le racisme et les discriminations dans les municipalités québécoises, hors Montréal, contribuant à enrichir le dialogue et les pratiques en matière d’équité et d’inclusion. Elle est co-autrice de plusieurs ouvrages importants, notamment Femmes et féminismes en dialogue : enjeux d’une recherche-action-médiation (2019), Visages du racisme contemporain. Les défis d’une approche interculturelle (2021) et La médiation interculturelle. Aspects théoriques, méthodologiques et pratiques (2022). Ces publications témoignent de son engagement pour une société inclusive et de sa vision pour des pratiques interculturelles ancrées dans la réalité des communautés locales.
C’est un honneur pour L’ANCRE de compter sur la collaboration de Michèle Vatz-Laaroussi, qui partage son expertise et ses perspectives éclairantes en contribuant à nourrir notre blogue.
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Une soirée riche en découvertes. Venez souligner le Mois de l’histoire des Noirs avec L’ANCRE, le CAE Haute-Montérégie et la CCIHR, à La Boîte, à Saint-Jean-sur-Richelieu.
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Les bureaux seront fermés du 23 décembre au 7 janvier.
Toute l’équipe de L’ANCRE vous souhaite de joyeuses fêtes.